La culture d’entreprise dans le monde bancaire – vers un nouveau paradigme ?

Friday
24
September
2023

La culture d’entreprise, c’était mieux avant ? Vous n’entendrez certainement pas cela de la bouche des géants de la Tech, “licornes” ou autres sociétés novatrices. Relativement nouveaux sur le marché, ces acteurs n’ont pas attendu pour ébranler le rapport d’un employé face au travail. Ce n’est donc pas surprenant d’assister à l’émergence de multiples études et documents sur le thème des RH et de la culture d’entreprise. Depuis quelques décennies, les passions se déchaînent autour de ce sujet, pourtant toujours d’actualité. 

Le monde de l’entreprise dans son ensemble se voit confronté à un nouveau défi : celui de permettre l'épanouissement des salariés au sein de leur environnement professionnel. De nombreuses théories et applications tentent de répondre à cette problématique en prônant un réel changement de culture au sein des entreprises.

Mais qu’en est-il du milieu bancaire et des services financiers? Et bien il semblerait que cette (r)évolution n’ait pas traversé les murs de nos institutions économiques puisque deux conceptions de la culture d’entreprise s’opposent.


Motivation intrinsèque versus extrinsèque : deux visions opposées mais néanmoins complémentaires 


D’un côté, la version moderne, celle des nouvelles entreprises du secteur technologique, qui met en avant la notion intrinsèque du bonheur du travailleur. Dans cette dernière, le bien-être passe par des éléments intangibles et difficilement quantifiables car propres à chaque salarié. Ainsi, la possibilité du  télétravail, la présence d’une crèche en entreprise ou encore une plus grande flexibilité des horaires font partie des éléments mis en place par certaines sociétés afin de s’assurer un meilleur taux de rétention de leur main-d’œuvre. Nous avons tous à l’esprit les images des bureaux de Google en Californie où prédomine l’impression d’un grand parc d’attractions pour enfants... Comme si les fondateurs de la marque avaient voulu que le passage de l’enfance à l’âge adulte n’ait pas lieu et que le quidam travaille tout en ayant l’impression d’être encore enfant.

Bien sûr, les âmes les plus conservatrices de ce monde voient leurs poils se hérisser face aux actions entreprises par des firmes comme Google pour choyer leurs employés. Dans le monde bancaire, la notion extrinsèque du bonheur prime sur l’intrinsèque, et c'est précisément cette problématique que nous aborderons plus en profondeur. 

Nombreux sont les banquiers ou les traders qui ont été bercés par les films américains des années 1980 type « Wall Street » (Oliver Stone) relatant la vie « des golden boys » où le héro n’était pas forcément le gentil mais plutôt le cupide et avide « trader/broker » qui gagnait son argent sur le dos des pauvres gens. Le message véhiculé n’était autre que l’appât rapide d’un gain hypothétique qui permettait ensuite au «trader/broker » de pouvoir le dépenser futilement. 

Dès lors, dans la version extrinsèque, tout est beaucoup plus simple par définition. En effet, l’on part du postulat que seul l’argent rend le salarié heureux et que, de ce fait, s’il satisfait aux exigences de son poste, il recevra de l’argent pour le remercier de ses bons et loyaux services. Ainsi, tout autre élément de gratification est proscrit car l’individu trouve son bonheur en dehors du travail grâce à l’argent perçu de son employeur. Depuis cette perspective, il n’est pas surprenant d’apprendre que le mot “salarié” découle étymologiquement du latin salarium signifiant solde militaire, n’est-ce pas?

En théorie, cet axiome est relativement logique. Le hic intervient lorsque les gens passent le plus clair de leur temps au travail et n’arrivent même plus à dépenser ce qu’ils gagnent car ils sont trop pris par leurs heures de travail. L’on pourrait tout à fait mettre en avant le libre arbitre de chacun et avancer que tout le monde peut trouver chaussure à son pied, et donc de s’engager auprès de l’entreprise proposant la culture la plus proche de celle recherchée. Mais malheureusement, les choses ne sont pas si simples et nombreux sont les jeunes diplômés rejoignant un emploi par nécessité sans embrasser la culture d’entreprise qu’ils servent alors par dépit.

Il est évident que ces deux théories, bien qu’opposées par nature, sont néanmoins complémentaires. En effet, l’on ne saurait privilégier l’une des deux au détriment de l’autre. Il s’agit simplement d’une question de dosage.

La culture dans le monde bancaire : évolution ou statu quo ?

Comme nous l’avons défini auparavant, la culture d’entreprise au sein des banques et des services financiers était simplement de gagner le plus d’argent possible, le plus rapidement et de le dépenser de la manière la plus ostentatoire afin d’ancrer cette réussite auprès de ses pairs. 

Cette dernière a-t-elle vraiment évolué depuis les trente dernières années ? L’on aurait pu croire qu’avec l’avènement d’Internet et des géants de la « Tech » accompagnés de leurs nouvelles méthodes RH, de leur processus de recrutement et de leur culture d’entreprise 2.0, que les mentalités auraient évolué au sein des banques. En effet, vu le succès du secteur technologique sur la génération Z, un copier/coller culturel aurait pu sembler évident. Il est malheureux de constater que peu nombreux sont les acteurs du monde bancaire ayant appréhendé le changement de paradigme opéré sur les plus jeunes générations. 

Au début des années 2000, lorsque les acteurs financiers pouvaient encore recruter facilement sur les bancs des grandes facultés européennes et qu’ils offraient comme premier salaire le double que celui que l’industrie pouvait offrir, nombreux étaient les jeunes souhaitant les rejoindre. D’ailleurs, à l’époque, il était de bon aloi de travailler pour un établissement financier surtout si l’on avait un profil d’ingénieur d’une grande école afin de pouvoir tout modéliser. Sinon, il fallait être diplômé d’une école de commerce réputée afin de pouvoir vendre les produits façonnés par leurs amis ingénieurs. 

Aujourd’hui, 21 ans plus tard, je ne suis pas certain que vous trouviez un ingénieur diplômé d’une grande école souhaitant rejoindre une banque d’affaires européenne. Ce dernier préférerait désormais rejoindre des sociétés leur vendant une sorte de rêve, là où le monde bancaire ne vend que peu de perspectives. Serait-ce démesuré de parler de fuite des cerveaux ? Le terme est sans doute exagéré mais force est de constater le désintérêt croissant de la jeunesse diplômée face à  une carrière dans le milieu bancaire.

Les racines de ce désenchantement sont bien évidemment complexes et variées. Nous n’en citerons que quelques unes :

  • Les crises financières successives pour lesquelles l’opprobre a été jeté sur les établissements financiers. Elles n'ont eu cesse d’écorner un peu plus l’image du monde bancaire. 
  • La culture d’entreprise patriarcale n’ayant que peu ou pas évolué depuis plus de 40 ans. Il suffit de regarder la plupart des « boards » de grandes entités bancaires.
  • Les ressources humaines sont toujours perçues comme un centre de coût alors qu'elles devraient être considérées comme un centre de profit, même si ce dernier est intangible de part la nature de sa fonction première : l’être humain. De ce fait, ces dernières n’ont malheureusement que peu ou pas d’impact sur la culture d’entreprise bien qu’elles mériteraient d’être au centre du projet.

Certaines banques européennes ont mis en avant le fait d’avoir compris les changements escomptés et d’avoir mis en place de nouvelles procédures afin de s’assurer du bien-être de leurs employés. Comme le dit l’adage, il suffit de chasser le naturel pour qu’il revienne au galop. En effet, suite aux nombreuses crises financières souvent créées par le système financier lui-même, avec son lot de personnes licenciées, il est compliqué de communiquer aux « selected fews » non licenciés que la culture d’entreprise a changé. 

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Comment les banques vont-elles attirer de jeunes talents ?

Une question en cache généralement une autre, et l’on ne peut répondre à celle-ci sans adresser la suivante :  que va-t-il advenir des établissements financiers s’ils n’arrivent plus à recruter de jeunes gens motivés ? 

C’est un fait, les établissements financiers peinent de plus en plus à attirer les talents de demain et les répercussions sur certains départements bancaires ne passeront pas inaperçues. Si les ingénieurs, les mathématiciens ou autres têtes bien faites ne souhaitent plus modéliser, si les diplômés de grandes écoles ne souhaitent plus gérer des fonds de placement ou placer des ordres en bourse, s’il ne reste aujourd’hui plus qu’une force de vente au sein de ces établissements, que proposeront  ces vendeurs lorsqu’il n’y aura plus rien à vendre en dehors des  produits de grandes sociétés de gestion d’actifs type Blackrock ou consorts dans une sorte d’oligopole? 

Peut-être suffit-il simplement d’offrir des verres entre collègues avec la présence d’un mentor/supérieur hiérarchique ou de se voir proposer un « casual Friday » pour être « tendance » et proposer une nouvelle culture d’entreprise ? Afin d’être plus performants et heureux, faut-il transformer son établissement en Luna Park comme certains géants de la « Tech » pour que les gens se sentent redevenir enfants ? Ou laisser place au syndrome de Peter Pan et refuser de grandir, tout simplement? 

Plus sérieusement, un changement de paradigme doit indéniablement s’opérer au sein de la direction de ces grandes entreprises financières si elles souhaitent pouvoir prospérer dans le futur. Il ne s’agit pas seulement d’attirer la plus jeune génération mais également de convaincre l’actuelle que la culture d’entreprise peut, mais surtout doit évoluer. C’est à la nouvelle génération d’exprimer son mécontentement, ses convictions et ses valeurs pour provoquer un réel changement dans l’univers financier. N’est-ce pas dans l’intérêt légitime des banques de pouvoir attirer les meilleurs candidats afin de faire prospérer leurs entreprises ? 

Évoluer avec son temps est un éternel impératif qu’il ne fait pas bon d’ignorer. Il est évident qu’en s’adaptant au changement, les bénéfices à long terme des banques ne seront  plus à démontrer. Le monde bancaire doit faire sa mue et proposer des solutions de travail adaptées à leurs employés. Même s’il est confortable pour tous de voir son salaire augmenter d’année en année, cela ne suffit plus à convaincre de rester dans une entreprise et de se projeter pour les 5 à 10 prochaines années. 

Alors, envisagerez-vous le toboggan à côté de la machine à café même en étant un fan inconditionnel de Michael Douglas dans Wall Street ? A ce qu’il paraît, l’un n’empêche pas l’autre...

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